Tribune collective : "Les sites classés sont en danger"

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REMPART est ci-signataire de la tribune ci-après (parue dans le Journal du Dimanche du 16/06/2019)

Qui ne connaît pas le Mont Saint-Michel, le pont du Gard, le massif du Mont-Blanc ou encore les Gorges du Tarn ? Ces monuments naturels et bâtis font partie des 2700 sites français « classés » couvrant aujourd’hui seulement 2% de notre territoire. Les plus prestigieux d’entre eux figurent sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO : lagons de Nouvelle Calédonie, Val de Loire, golfe de Scandola en Corse… La France protège ces espaces remarquables par un « classement » depuis une loi de 1906 : l’objectif est de transmettre ces paysages emblématiques aux générations futures en confiant au ministre chargé des sites le contrôle des travaux qui s’y déroulent.

Afin de simplifier l’instruction de modifications limitées, les services de l’Etat ont travaillé pendant 3 ans sur un premier décret, qui convenait à toutes les parties. Il permettait notamment au préfet de département d’autoriser des projets de travaux modestes (extension de constructions existantes, travaux de restauration, plans de gestion forestière…). Pour des travaux plus conséquents, nécessitant notamment un permis de construire ou d’aménager, le ministre et son bureau des Sites étaient obligatoirement saisis après une instruction locale par les services et un examen par la commission départementale des sites.

Abandonnant ce projet consensuel, le Gouvernement souhaite emprunter une tout autre voie : un autre dispositif a été élaboré, transférant l’intégralité de la compétence d’autorisation ministérielle aux préfets de département. C’est une « déconcentration complète » !

Ce décret de « simplification », voulu au nom « d’une prise de décision au plus près des territoires et des acteurs » et d’un raccourcissement minime des délais d’instruction reviendrait en réalité à assouplir la délivrance des autorisations de travaux et à déréguler.

Les 101 préfets de département ne disposent en effet ni de la stabilité ni de l’expérience ou des moyens nécessaires pour conserver ces joyaux paysagers et sont évidemment beaucoup plus exposés aux pressions locales, politiques ou économiques, tandis que des inégalités de traitement apparaîtront inévitablement entre départements.

Des institutions dédiées à la protection de la biodiversité et des paysages, comme le Conseil national de la protection de la nature, le Réseau des grands sites de France, Sites et Cités remarquables de France, l’Association des biens français du patrimoine mondial ou l’Association des inspecteurs des sites, ont unanimement contesté ce projet de réforme. Le Gouvernement souhaite cependant poursuivre sa route, au moment même où il annonce « changer de méthode » et procéder à une « accélération écologique ».

Pourtant, le contre-exemple des sites simplement « inscrits » – contrôlés par les préfets – doit nous instruire : on n’y compte plus les infrastructures routières (comme à Beynac), les constructions démesurées, les retenues d’eau pour la neige artificielle, les remonte-pentes ou les parkings, à tel point qu’un projet de décret se propose de supprimer les plus dégradés d’entre eux.

Nous, citoyens, collectivités, associations et acteurs du tourisme avons le pouvoir et le devoir de protéger nos sites remarquables en disant notre opposition à ce projet de décret et en participant massivement à la consultation en ligne sur le site du ministère de la Transition écologique